Auteur/autrice : Sarah Journée

Endométriose : et si l’activité physique aidait à combattre les symptômes ?

Par Sarah Journée

Publié le 12 mars 2024 Endométriose : et si l’activité physique aidait à combattre les symptômes ? Marie-Anne Jean, Université de Haute-Alsace (UHA); Géraldine Escriva-Boulley, Université de Nîmes et Tracy Milane, Université de Haute-Alsace (UHA) Des études préliminaires suggèrent un intérêt de l’activité physique adaptée pour atténuer les symptômes de l’endométriose. Des programmes sont lancés pour confirmer ces résultats. Il est encore possible de participer à l’une de ces études toujours en cours. Douleurs pelviennes et fatigue sont les symptômes les plus récurrents de l’endométriose, cette affection chronique caractérisée par la présence de tissu de l’endomètre en dehors de la cavité utérine ; l’endomètre étant la muqueuse qui tapisse l’intérieur de l’utérus et qui est éliminée pendant les règles. Mais l’endométriose est aussi fréquemment associée à des troubles digestifs, des douleurs neuropathiques (qui sont des douleurs relatives à une lésion ou à un dysfonctionnement du système nerveux, notamment lorsque ces douleurs sont intenses et persistantes), à des douleurs lors des rapports sexuels, ou encore à de l’infertilité. L’endométriose est aujourd’hui un enjeu majeur de santé publique au regard de ses conséquences sur la vie des personnes atteintes et du nombre de femmes concernées, près de 10 % d’entre elles. Les répercussions de cette maladie peuvent être invalidantes et toucher tous les domaines de la vie des personnes atteintes. Le phénomène peut être exacerbé par la chronicité des symptômes qui, pour certaines femmes, ne se limitent pas à la période des règles. Ils peuvent être chroniques, survenir durant le syndrome prémenstruel, au moment de l’ovulation…   S’interroger sur les bénéfices de l’activité physique dans l’endométriose Nous savons déjà que pratiquer de l’activité physique se révèle bénéfique pour réduire les douleurs chroniques, neuropathiques et les processus inflammatoires associés. Faire de l’exercice physique améliore également le bien-être physique et mental chez les douloureux chroniques mais aussi chez des personnes atteintes d’autres pathologies comme des cancers. C’est pourquoi il est possible de penser que dans le cadre de l’endométriose, l’activité physique pourrait aussi améliorer la qualité de vie ainsi que les symptômes douloureux. Ces suppositions sont renforcées par la mise en évidence de la réduction de marqueurs inflammatoires et une réduction des lésions dans des études chez l’animal. Mais ces conclusions chez l’animal ne peuvent pas être extrapolées à l’humain. C’est pourquoi des études chez les femmes sont nécessaires. A notre connaissance, une douzaine d’études a été réalisée pour étudier les effets de l’activité physique et de l’exercice sur les douleurs pelviennes et le bien-être physique et mental des personnes atteintes d’endométriose. Bien qu’un effet positif sur la gestion de la douleur et l’amélioration des symptômes anxiodépressifs ait été observé, les résultats de ces études ne permettent pas de démontrer sans équivoque les bénéfices de l’activité physique sur cette maladie.   Douleurs, stress et anxiété : principaux freins à la pratique En termes d’activité physique, les femmes atteintes d’endométriose seraient moins actives. Cela pourrait s’expliquer par le fait qu’elles sont davantage exposées aux symptômes d’anxiété et de dépression, qu’elles ont plus de difficultés à gérer le stress et qu’elles sont plus sensibles à la douleur physique que les autres. La combinaison de tous ces facteurs, associée à la peur d’amplifier les douleurs par le mouvement, a tendance à enfermer les personnes atteintes d’endométriose dans un cercle vicieux de sédentarité. Dit autrement : quand une personne est pliée en deux de douleur, le premier réflexe n’est pas de faire de l’activité physique !   Le programme CRESCENDO sur la pratique sportive et l’endométriose Nous avons mené une étude, baptisée programme CRESCENDO pour « aCRoitre le Sport et l’Exercice pour Combattre l’ENDOmétriose ». Dans la première partie de cette étude nous avons mené une enquête par questionnaire auprès de 470 personnes (âge moyen de 31 ans, écart type de 10 ans). Près de la moitié d’entre elles (47 %) était atteinte d’endométriose. Les résultats du questionnaire n’ont révélé aucune différence dans les niveaux d’activité physique légère (exemple la marche), modérée (exemple le jogging) et vigoureuse (exemple le trail ou le sprint) entre les femmes atteintes d’endométriose et celles qui ne le sont pas. Néanmoins, d’autres différences ont été mises en évidence. Les femmes atteintes d’endométriose montrent une motivation plus importante envers l’activité physique, c’est-à-dire qu’elles ont intégré le fait que l’activité physique peut être bénéfique. Elles ne pensent pas que l’activité puisse présenter un danger pour elles. Cependant, elles se perçoivent comme n’étant pas libres de pratiquer quand elles le souhaitent (faible contrôle comportemental). Leur état de santé apparait comme l’obstacle le plus important à leur pratique. Elles ont un score plus élevé de frustration des besoins de compétence et de proximité sociale. Autrement dit, lorsqu’elles font de l’activité physique, elles se sentent davantage incompétentes et rejetées par les autres. De même, lorsqu’on les interroge, elles pensent que les femmes malades, comme elles, manquent d’intérêt et d’habiletés pour l’activité physique. Les effets secondaires sont également un frein. Les analgésiques (ou antidouleurs), par exemple, peuvent causer des problèmes d’estomac, des nausées, des maux de tête, des vomissements, de la fatigue, des vertiges et des changements de pression artérielle. Quant à la thérapie hormonale, elle peut induire des problèmes de sommeil, de l’anxiété, de la dépression et des douleurs articulaires.   Des premiers résultats à confirmer sur la fatigue, le bien-être et la douleur Nous avons ensuite construit et testé notre programme sur dix femmes volontaires en leur proposant plusieurs types d’activités physiques adaptées, pratiquées à différentes intensités. Les séances axées sur la mobilité et le stretching (c’est-à-dire des activités dites « douces ») semblent avoir davantage de bénéfices sur la douleur par comparaison avec les séances d’activités de renforcement musculaire ou cardiovasculaires. Mais ces deux dernières ont donné de meilleurs résultats quand elles étaient pratiquées ensemble pour améliorer la fatigue et le bien-être. En résumé, les résultats globaux (tous types d’activités confondus) suggèrent une amélioration significative de la douleur et une tendance à l’amélioration de la fatigue et du bien-être. Chaque personne semble réagir différemment en termes de perception et de tolérance à la douleur suivant les types d’efforts et de séances, mais également suivant les moments du cycle, de la…

Disparition d’Alexeï Navalny : la mort d’un martyr

Par Sarah Journée

Publié le 17 février 2024 Disparition d’Alexeï Navalny : la mort d’un martyr Navalny, lors d’une manifestation de l’opposition à Moscou, en 2018 ©AFP – Kirill KUDRYAVTSEV   L’un des principaux opposants politiques au régime politique de Vladimir Poutine, Alexeï Navalny, est mort en détention.   Il y purgeait une peine de 19 ans de réclusion pour extrémisme. Il est aujourd’hui encore le visage d’une opposition politique au régime en place, opposition durement réprimée. Dans le podcast « France Culture va plus loin le samedi« , deux chercheuses en sciences politiques reviennent sur l’homme politique, symbole d’hier, martyr aujourd’hui.   Les invité·es : Clémentine Fauconnier est maîtresse de conférence en sciences politiques à l’UHA et chercheuse au laboratoire Sociétés, Acteurs, Gouvernement en Europe (SAGE). Anna Colin Lebedev est maîtresse de conférences en sciences politiques à l’Université Paris-Nanterre.   Écoutez le podcast : Pour plus d’information, rendez-vous sur le site : France Culture Clémentine Fauconnier Maîtresse de conférence en sciences politiques (FSESJ & SAGE) Sur le même thème Tous |Article |Non classé |Podcast |Question |Recherche participative |Vidéo De Navalny à Biden : Poutine au défi 15 janvier 2021/ Publié le 15 janvier 2021 De Navalny à Biden : Poutine au défi Le président russe Vladimir Poutine donne sa… Podcast Que peut l’opposant Navalny face à Poutine ? 26 janvier 2021/ Publié le 26 janvier 2021 Que peut l’opposant Navalny face à Poutine ? Selon l’ONG OVD Info, 3300 arrestations ont… Podcast Pandémie, Navalny, crise sociale : Poutine imperturbable 23 avril 2021/ Publié le 23 avril 2021 Pandémie, Navalny, crise sociale : Poutine imperturbable Le président russe Vladimir Poutine prononce son discours… Podcast

Endométriose chez les adolescentes : une prise en charge précoce est nécessaire

Par Sarah Journée

Publié le 14 février 2024 Article aussi disponible en espagnol ici Endométriose chez les adolescentes : une prise en charge précoce est nécessaire Laura Bollinger, Université de Haute-Alsace (UHA); Géraldine Escriva-Boulley, Université de Haute-Alsace (UHA) et Nathalie Gavens, Université de Haute-Alsace (UHA) Bien qu’une femme sur dix soit concernée par cette maladie invalidante, l’endométriose demeure largement méconnue. Face aux nombreux défis qu’elle suscite, il devient essentiel de lui accorder une attention particulière. L’endométriose est une maladie gynécologique qui se caractérise par la présence de tissu semblable à la muqueuse utérine en dehors de la cavité utérine, principalement mais non exclusivement dans la zone abdomino-pelvienne (ovaires, intestin, péritoine…).   L’endométriose peut se déclarer dès les premières règles Loin d’être réservée à la femme adulte, l’endométriose peut apparaître dès les premières règles, ajoutant des épreuves inattendues au parcours déjà mouvementé de l’adolescence. Ce trouble, dont l’origine reste à préciser, peut entraîner des douleurs au niveau du bas du ventre parfois chroniques et, possiblement, une infertilité ainsi que d’autres symptômes tels que des troubles digestifs. À ce jour, les traitements proposés visent essentiellement à lutter contre les symptômes. Plusieurs approches sont utilisées, dont des options médicamenteuses (anti-inflammatoires non stéroïdiens, contraceptifs hormonaux…). Lorsque ceux-ci ne se montrent pas efficaces, un traitement chirurgical peut être préconisé.   Des lésions encore plus difficiles à identifier chez l’adolescente Bien souvent associée aux femmes adultes, l’endométriose est une réalité présente également chez les adolescentes, chez qui on déplore des cas évolutifs et parfois même sévères. Le diagnostic, quant à lui, intervient malheureusement bien plus tard avec un délai moyen d’environ 8 ans après l’apparition des premiers symptômes. Le diagnostic tardif peut résulter, en partie, des différences dans les manifestations de la maladie entre les adolescentes et les femmes adultes. En effet, les adolescentes atteintes d’endométriose présentent souvent des lésions d’apparence rouge ou claire, ce qui peut rendre leurs identifications difficiles par les professionnels de la santé, par rapport aux lésions chez les adultes dites « en poudre noire brûlée » (black powder burn) qui sont plus facilement observables, notamment par imagerie médicale. La petite taille des lésions chez les adolescentes peut aussi rendre leur détection compliquée. De plus, les jeunes femmes sont très rapidement mises sous pilule pour diminuer les symptômes. Quand ceux-ci s’atténuent, les professionnels de santé ne mènent pas forcément plus avant les examens et le diagnostic n’est pas posé. Mais s’il s’agit bien d’une endométriose, la maladie continue de progresser.   Un risque de détresse psychologique Concernant le traitement de la maladie chez l’adolescente, les options médicamenteuses à base d’anti-inflammatoires non stéroïdiens et de contraceptifs hormonaux sont souvent privilégiées. Il est également indispensable d’intégrer une approche multidisciplinaire dans la prise en charge, incluant un accompagnement psychologique, qui est crucial lorsque l’on considère les multiples répercussions que peut avoir cette pathologie chez les femmes. En effet, ses conséquences sur le plan psychologique, social et éducatif sont indéniables, avec un risque accru de détresse psychologique et de troubles anxieux chez les jeunes femmes. Parfois, ces répercussions se traduisent par un taux élevé d’absentéisme scolaire, avec un impact négatif important sur la scolarité. Cependant, les conséquences de la maladie ne s’arrêtent pas là et entraînent une réduction des activités quotidiennes et la détérioration des relations sociales et intimes.   Des douleurs menstruelles parfois évocatrices de la maladie Quoiqu’elles ne soient pas forcément synonymes d’endométriose, les douleurs menstruelles peuvent être, dans certains cas, évocatrices de la maladie. Elles constituent le trouble gynécologique le plus répandu chez les adolescentes avec une prévalence pouvant aller de 34 % à 94 % selon la littérature scientifique. Tout comme l’endométriose, les douleurs menstruelles représentent un véritable défi pour les adolescentes. Elles peuvent entraîner une détresse psychologique avec une augmentation du risque de dépression et une limitation des activités quotidiennes.   Un ensemble de troubles peu reconnus même par l’entourage À cela s’ajoute un manque de soutien et de reconnaissance de la part de l’entourage et des services médicaux. C’est une difficulté supplémentaire à laquelle font face les adolescentes qui sont confrontées à des symptômes menstruels liés à des règles douloureuses et/ou à l’endométriose. Cela est dû en partie à un manque de connaissances autour des menstruations, des symptômes menstruels ainsi que de l’endométriose qui font l’objet de stigmatisations, de normalisations et d’attitudes négatives tant entre les adolescentes elles-mêmes que dans leur cercle familial, éducatif, amical.   Une méconnaissance aussi par les premières concernées et les médecins Une étude française, menée sur des femmes ayant eu un diagnostic d’endométriose, a mis en évidence une méconnaissance de la maladie par certaines d’entre elles, puisqu’elles étaient 35 % à estimer que leurs symptômes étaient normaux. Encore plus marquant, 60 % d’entre elles ont déclaré que leurs symptômes étaient qualifiés de « normaux » par des médecins. Ce phénomène de stigmatisation et de normalisation crée un environnement peu propice, laissant les adolescentes démunies face aux douleurs menstruelles et, dans certains cas, à l’endométriose. En conséquence, cela entraîne un délai supplémentaire dans l’identification de la maladie.   Développer l’éducation à la santé menstruelle Dans ce contexte, il devient impératif d’évaluer les besoins en matière d’éducation en lien avec l’endométriose et les douleurs menstruelles, afin d’améliorer la qualité de vie des adolescentes. Cette démarche vise non seulement à briser les idées reçues des adolescentes elles-mêmes mais aussi de leur entourage familial, scolaire, social, à améliorer la gestion des douleurs, mais également à favoriser un diagnostic précoce de la maladie. Malgré un effort croissant pour sensibiliser le public à ces questions, il existe aujourd’hui très peu d’interventions visant la prévention et l’éducation. Il paraît alors nécessaire de déployer des efforts significatifs pour relever les défis éducatifs liés à l’endométriose et, plus généralement, à la santé menstruelle des adolescentes.   Pour des approches non médicamenteuses basées sur la recherche Au-delà de l’aspect éducatif, il est impératif d’initier des recherches pour améliorer la compréhension des spécificités de la maladie chez ce public. Cela permettrait aussi d’orienter les actions de promotion de la santé, en encourageant les jeunes femmes à prendre un rôle actif dans leur bien-être. En ce sens, des approches non…

Boris Nadejdine, candidat révélateur d’une dissidence anti-guerre en Russie ?

Par Sarah Journée

Publié le 29 janvier 2024 Boris Nadejdine, candidat révélateur d’une dissidence anti-guerre en Russie ? Des personnes manifestants contre la condamnation d’un militant écologiste à quatre ans de prison dans la ville de Baymak, en Russie, le 17 janvier 2024. ©AFP – Anya Marchenkova / AFP   La nouvelle campagne présidentielle russe aura lieu en mars 2024, et un candidat interpelle par sa non-censure, c’est Boris Nadejdine.   Il prône pourtant un arrêt de la guerre en Ukraine, un discours habituellement censuré par le pouvoir politique en place. Dans le podcast France Culture « Les Enjeux internationaux« , partez à la découverte de ce candidat et de son discours avec une chercheuse en science politique.   L’invitée : Clémentine Fauconnier est maîtresse de conférence en sciences politiques à l’UHA et chercheuse au laboratoire Sociétés, Acteurs, Gouvernement en Europe (SAGE).   Écoutez le podcast : Pour plus d’information, rendez-vous sur le site : France Culture Clémentine Fauconnier Maîtresse de conférence en sciences politiques (FSESJ & SAGE) Sur le même thème Tous |Article |Non classé |Podcast |Question |Recherche participative |Vidéo Russie : des institutions à la société civile, les oppositions au Kremlin 6 octobre 2022/ Publié le 6 octobre 2022 Russie : des institutions à la société civile, les oppositions au Kremlin Arrestation d’une manifestante le… Podcast 2024, l’année de toutes les élections 30 décembre 2023/ Publié le 30 décembre 2023 2024, l’année de toutes les élections Un électeur dépose son bulletin de vote à Sydney… Podcast Procès, condamnations, verrouillage de l’information : que reste-t-il de l’opposition en Russie ? 20 juillet 2024/ Publié le 20 juillet 2024 Procès, condamnations, verrouillage de l’information : que reste-t-il de l’opposition en Russie ? Le 17 janvier à… Podcast

Littérature : pourquoi retraduisons-nous les classiques ?

Par Sarah Journée

Publié le 17 janvier 2024 Article aussi disponible en anglais ici Littérature : pourquoi retraduisons-nous les classiques ? Enrico Monti, Université de Haute-Alsace (UHA) Si vous parcourez les rayons d’une bibliothèque ou d’une librairie en quête des aventures de Gregor Samsa ou Jay Gatsby, vous pourrez être confrontés à un dilemme insoluble. Quelle version choisir de ces grands classiques de la littérature ? Dans une bibliothèque ou une librairie bien fournie, vous pourriez trouver jusqu’à sept traductions différentes des Métamorphoses ou de Gatsby le Magnifique. On ne parle pas ici d’éditions différentes, mais bel et bien de textes différents, de mots différents. D’ailleurs on pense – et on affirme – avoir lu Kafka ou Fitzgerald, alors que très souvent ceux qu’on a lus sont les mots de Vialatte, Lortholary, Lefebvre, Llona, Wolkenstein, Jaworski, pour ne citer que quelques traducteurs de ces deux chefs-d’œuvre de la littérature mondiale. Quelle traduction choisir, donc ? La plupart de nous se laisseront guider par les mêmes critères qui déterminent notre choix d’un classique francophone : l’affection pour une maison d’édition ou une collection, les paratextes, le prix, la couverture… Assez rarement par la renommée de ces invisibles de la littérature traduite que sont les traducteurs, acteurs silencieux d’une interprétation qu’on imagine impersonnelle et objective, et surtout pas cruciale. Et d’ailleurs, pourquoi tous ces traducteurs s’affolent-ils sur un seul et même texte ? Question légitime, compte tenu des innombrables textes qui attendent toujours leur traduction. Si la traduction a comme but primaire de rendre un texte intelligible à un public qui ne maîtrise pas la langue dans lequel il a été écrit, les retraductions sont clairement des opérations à très faible utilité. Et pourtant, très rares sont les Français qui s’approchent aujourd’hui de Dante, Cervantes ou Shakespeare dans une traduction française vieille ne serait-ce que de 100 ans, alors que les Italiens, les Espagnols et les Anglais continuent de lire leurs auteurs phares dans une langue vieille de plusieurs siècles (non sans le secours d’une pléthore de notes explicatives). Pourquoi ne cessons-nous de remettre les classiques étrangers au goût du jour ? Parce qu’un classique est un texte qu’on ne cesse jamais de retraduire, pourrait-on dire, inversant les termes de la question. Le phénomène de la retraduction est à la fois paradoxal et inhérent à toute culture. Un historien de la traduction, Michel Ballard, y a même vu une des constantes de l’histoire de la traduction, de toutes les époques.   Censure, imprécisions et vieillissement des traductions Les raisons sont évidemment multiples. Le plus souvent, le moteur est un sens d’insatisfaction avec les traductions existantes, qui peut avoir des origines différentes. Des formes de censure, par exemple, idéologique ou morale, qui ont privé les lecteurs de certains aspects d’un texte. Pas besoin de dictatures pour voir le texte dépouillé de certaines références ou expurgé d’une partie de la culture qui l’a produit. Dans d’autres cas, l’insatisfaction peut être liée à la présence de fautes et imprécisions, due à la faiblesse humaine ou à des ressources lexicographiques limitées : il suffit de penser à l’écart énorme entre les conditions de travail des traducteurs pré-Internet et nous, qui sommes à un simple clic d’une vérification qui pouvait demander des journées de recherche il y a trente ans seulement. Prenons une des supposées « erreurs » les plus fameuses de l’histoire de la traduction, à savoir les cornes sur la tête du Moïse de Michel-Ange (1515). Le sculpteur s’appuie sur la traduction latine de la Bible faite par Saint-Jérôme quelque 1 100 ans auparavant (longévité sans doute inégalable pour une traduction). Or, l’hébreu, langue consonantique, se passe de l’indication de voyelles générant dans le passage en question une ambiguïté entre keren (cornu) et karan (rayonnant). Si Jérôme interprète « cornu », et avec lui une grande partie de l’iconographie chrétienne des siècles à venir, toutes les traductions contemporaines de la Bible donnent à Moïse un visage « rayonnant », lorsqu’il reçoit les tables de la loi. Pour restituer au texte son ambiguïté éventuelle, il faudra attendre la traduction « intersémiotique » de Chagall, qui trouve dans un autre système de signes – la peinture – la possibilité d’attribuer à Moïse de véritables cornes de lumière. Une des raisons les plus souvent évoquées pour retraduire est que les traductions vieillissent. Quid des originaux ? Ils vieillissent eux aussi, mais différemment, nous dira-t-on. Ils gagnent du charme, alors que le vieillissement des traductions vire souvent au grotesque. La différence est à chercher essentiellement dans les statuts respectifs d’original et traduction : texte dérivé, la traduction ne peut pas exister sans le texte primaire dont elle est émanation et ce statut secondaire lui enlève l’autorité d’un vrai texte littéraire. Il y a aussi peut-être le fait, démontré par la linguistique de corpus, que les traductions tendent à être plus conservatrices du point de vue stylistique et donc à moins charger la langue de ce sens qui fait la richesse d’un chef-d’œuvre littéraire. L’impression de vieillissement peut aussi venir d’une meilleure connaissance de la culture cible, notamment par rapport à certains éléments culturels (realia) devenus monnaie courante : une note de bas de page pour expliquer ce qu’est le pop-corn, qu’on peut encore retrouver dans certaines traductions de l’après-guerre, serait non seulement inutile, mais décidément comique aujourd’hui. Parfois les retraductions amènent des changements macroscopiques, au niveau des titres, des noms des personnages ou de certains concepts, suscitant, à tort ou à raison, des réactions exacerbées, car déstabilisantes. Si la transformation de la novlangue en néoparler dans la retraduction de 1984 a fait parler les lecteurs et les critiques, certaines tentations divines peuvent être beaucoup plus déstabilisantes, comme le montrent les réactions suscitées par la réforme de la prière du Notre Père en 2013. La retraduction peut faire scandale, de par le relativisme qu’elle introduit dans l’interprétation d’un original que nous considérons comme immuable. En réalité, parfois c’est le texte même qu’on croyait « original » qui se découvre dérivé : c’est ainsi que la retraduction de Kafka pour la Pléiade récupère une nouvelle version du texte allemand, qui n’est pas celle héritée de Max Brod à laquelle l’histoire nous a habitués. Dans quelques cas encore, la…

2024, l’année de toutes les élections

Par Sarah Journée

Publié le 30 décembre 2023 2024, l’année de toutes les élections Un électeur dépose son bulletin de vote à Sydney en Australie, le 14 octobre 2023 ©AFP – Saeed KHAN / AFP   En 2024, 76 pays vont appeler leurs citoyens à venir voter. France Culture dans son podcast « Affaires étrangères » vous invite à découvrir les différents pays impliqués et les enjeux portés par ces élections, notamment en Russie.   Les invité·es : Clémentine Fauconnier est maîtresse de conférence en sciences politiques à l’UHA et chercheuse au laboratoire Sociétés, Acteurs, Gouvernement en Europe (SAGE). Laurence Nardon est responsable du programme Etats-Unis à l’Institut Français des Relations Internationales (ITRI). Christophe Jaffrlot est directeur de recherche au CNRS. Gaspard Estrada est politologue à la London School of Economics. Sylvain Kahn est professeur au Centre d’histoire de Sciences Po.   Écoutez le podcast : Pour plus d’information, rendez-vous sur le site : France Culture Clémentine Fauconnier Maîtresse de conférence en sciences politiques (FSESJ & SAGE) Sur le même thème Tous |Article |Non classé |Podcast |Question |Recherche participative |Vidéo Elections en Russie : et si Poutine vacillait sur ses bases ? 9 septembre 2019/ Publié le 9 septembre 2019 Elections en Russie : et si Poutine vacillait sur ses bases ? Elections en Russie, sérieux… Podcast Boris Nadejdine, candidat révélateur d’une dissidence anti-guerre en Russie ? 29 janvier 2024/ Publié le 29 janvier 2024 Boris Nadejdine, candidat révélateur d’une dissidence anti-guerre en Russie ? Des personnes manifestants contre la condamnation… Podcast Procès, condamnations, verrouillage de l’information : que reste-t-il de l’opposition en Russie ? 20 juillet 2024/ Publié le 20 juillet 2024 Procès, condamnations, verrouillage de l’information : que reste-t-il de l’opposition en Russie ? Le 17 janvier à… Podcast

Avis de Recherche N°5 – MatLight 4.0

Par Sarah Journée

Publié le 19 décembre 2023 Avis de Recherche N°5 – MatLight 4.0   >>> Avis de recherche est une émission radiophonique offrant un point de vue sur la vie des laboratoires de l’UHA. En partenariat avec le Service Universitaire de l’Action Culturelle (SUAC) Avec le soutien de la Région Grand Est et de la Drac Grand Est.   Une émission réalisée par Carole Ecoffet et radio MNE, produite par le Service Universitaire de l’Action Culturelle de ‘l’Université de Haute-Alsace en collaboration avec Radio MNE, coordonnée par isabelle LEFEVRE (chargée de l’action culturelle) et Laurent VONNA, Maître de conférences en chimie des matériaux à la FST de l’UHA (laboratoire IS2M).   Thème : Mat Light 4.0, un projet d’excellence au cœur de l’UHA. En cette période de l’année où nous cherchons la lumière, que ce soit lors des festivités à Lyon ou lorsque nous illuminons les rues et les vitrines, il est particulièrement opportun de vous présenter le projet Mat Light 4.0. ‘Mat’ pour matériaux, ‘light’ pour lumière, tandis que le 4.0 évoque l’ouverture vers le numérique et l’industrie du futur.   Invité·es : Vincent Roucoules : Directeur de l’Institut de Science des Matériaux de Mulhouse et porteur du projet Mat Light 4.0. Mathilde Lerebours : Directrice de projet pour Mat Light 4.0, qui apporte au projet son expertise et son expérience de la promotion de la recherche scientifique française. Laurent Simon et Arnaud Spanenberg : Chercheurs ayant contribué à la construction du projet aux côtés de Vincent Roucoules. Ils présenteront chacun le projet scientifique qu’ils développent sous l’égide de Mat Light 4.0. Philippe Grasser : Directeur du pôle Véhicule du Futur, participant à l’émission pour discuter des liens entre la science des matériaux et l’industrie automobile. Silvi Simon : Artiste dont le travail explore de nombreuses facettes de l’interaction entre la lumière et les matériaux.   Écoutez le podcast :  Pour plus d’information, rendez-vous sur le SoundCloud de Radio MNE : Radio MNE Vincent Roucoules Professeur en sciences des matériaux (FST) et directeur de l’IS2M Mathilde Lerebours Directrice de projet Mat-Light 4.0 Laurent Simon Chargé de recherche en science des matériaux (IS2M) Arnaud Spangenberg Chargé de recherche en science des matériaux (IS2M) Sur le même thème Tous |Article |Non classé |Podcast |Question |Recherche participative |Vidéo Laurent Simon, responsable de la plateforme de caractérisation des matériaux Mat-Lights 4.0 17 février 2025/ Publié le 17 février 2025 Laurent Simon, responsable de la plateforme de caractérisation des matériaux Mat-Light 4.0 Rencontrez dans cette… Vidéo Portrait de Laura Marchand, responsable de la plateforme de synthèse automatisée Mat-Light 4.0 17 février 2025/ Publié le 17 février 2025 Portrait de Laura Marchand, responsable de la plateforme de synthèse automatisée Mat-Light 4.0 Rencontrez dans… Vidéo Arnaud Spangenberg, responsable de la plateforme de procédés photo-induits Mat-Light 4.0 26 mars 2025/ Publié le 26 mars 2025 Arnaud Spangenberg, responsable de la plateforme de procédés photo-induits Mat-Light 4.0 Rencontrez dans cette vidéo… Vidéo

Léon Blum, une vie héroïque – Les Mariés de Buchenwald

Par Sarah Journée

Publié le 19 novembre 2023 Léon Blum, une vie héroïque : Les Mariés de Buchenwald Visuel Podcast « Léon Blum, une vie héroïque » ©Radio France – Julien Mougnon   Seconde Guerre Mondiale, Léon Blum, leader du front populaire, est déporté au camp du Buchenwald en tant que prisonnier politique. Sa femme, Jeanne Reichenbach, le rejoint et leur amour l’aide à survivre. Découvrez dans ce podcast France Culture « Léon Blum, une vie héroïque« , au côté d’historien·nes spécialistes l’histoire de ce couple humaniste.   Les invité·es : Renaud Meltz est professeur d’histoire contemporaine à l’UHA et chercheur au Centre de Recherche sur les Economies, les Sociétés, les Arts et les Techniques (CRESAT).  Pascal Ory est historien, spécialiste d’histoire culturelle et membre de l’Académie française.Dominique Missika est historienne et éditrice.Pierre Birnbaum est historien et professeur émérite à l’Université Paris/Panthéon-Sorbonne.Ilan Greilsammer est historien et professeur de sciences politiques à l’université Bar-Ilan de Ramat Gan en Israël.Bénédicte Vergez Chaignon est historienne française et spécialiste de la Seconde Guerre mondiale et de l’Occupation.   Écoutez le podcast : Pour plus d’information, rendez-vous sur le site : France Inter Renaud Meltz Professeur d’histoire contemporaine (FSESJ & CRESAT) Sur le même thème Tous |Article |Non classé |Podcast |Question |Recherche participative |Vidéo L’Alsace dans la France 1918-1940 8 avril 2013/ Publié le 8 avril 2013 L’Alsace dans la France 1918-1940 Accueil des troupes françaises en Alsace 1919 © cc  … Podcast Les fleurs retrouvées de Lily Ebstein 21 août 2018/ Publié le 21 août 2018 Les fleurs retrouvées de Lily Ebstein Lily Ebstein   Le 9 juin 2017, une rue… Podcast Après l’ENA, comment former les hauts fonctionnaires ? 9 avril 2021/ Publié le 9 avril 2021 Après l’ENA, comment former les hauts-fonctionnaires ? La promotion Victor Schoelcher de 1955 ©AFP –… Podcast

Avis de Recherche N°4 – 150 ans de la Société Française de Physique

Par Sarah Journée

Publié le 8 novembre 2023 Avis de Recherche N°4 – 150 ans de la Société Française de Physique   >>> Avis de recherche est une émission radiophonique offrant un point de vue sur la vie des laboratoires de l’UHA. En partenariat avec le Service Universitaire de l’Action Culturelle (SUAC) Avec le soutien de la Région Grand Est et de la Drac Grand Est.   Une émission réalisée par Carole Ecoffet et radio MNE, produite par le Service Universitaire de l’Action Culturelle de ‘l’Université de Haute-Alsace en collaboration avec Radio MNE, coordonnée par isabelle LEFEVRE (chargée de l’action culturelle) et Laurent VONNA, Maître de conférences en chimie des matériaux à la FST de l’UHA (laboratoire IS2M).   Thème : Fondée en 1873 avec pour mission la diffusion des connaissances en physique, la Société Française de Physique (SFP) célèbre cette année ses 150 ans d’existence. À l’occasion de cet anniversaire, l’Université de Haute Alsace (UHA) sert de cadre à deux expositions, introduites grâce au soutien de l’UHA et aux efforts de Jean-Luc Bubendorff, professeur de physique à l’Université de Haute Alsace et membre de la SFP. La première exposition, intitulée « Beautiful Science », se tiendra du 17 octobre au 23 novembre 2023 à la Nef des Sciences sur le campus de l’Illberg à Mulhouse. Elle sera ensuite accessible à Colmar du 24 novembre au 15 décembre, au Learning Center du campus du Grillenberg. Parallèlement, une exposition intitulée « 15 Physiciennes » mettra à l’honneur 15 lauréates distinguées par la SFP, soit par ses grands prix, soit par ses prix dédiés aux jeunes chercheurs et chercheuses. Cette exposition sera présentée au Learning Center de Mulhouse pendant tout le mois de novembre, et ce jusqu’au 15 décembre. Lors de notre émission, Jean-Luc Bubendorff nous éclairera sur l’histoire de la SFP et sur l’organisation de ces expositions. Nous aurons également le plaisir d’échanger avec Chloé Jeanne, artiste, dont une photographie est mise en lumière dans l’exposition « Beautiful Science ».   Écoutez le podcast :  Pour plus d’information, rendez-vous sur le SoundCloud de Radio MNE : Radio MNE Jean-Luc Bubbendorff Professeur de physique (FST & IS2M) Sur le même thème Tous |Article |Non classé |Podcast |Question |Recherche participative |Vidéo Et le prix Nobel ne fut pas attribué à Rosalind Franklin 3 octobre 2016/ Publié le 3 octobre 2016 Et le prix Nobel ne fut pas attribué à Rosalind Franklin Rosalind Frankin ©Getty –… Podcast Rosalind Franklin, à 2 brins du Nobel 1 avril 2020/ Publié le 1 avril 2020 Rosalind Franklin, à 2 brins du Nobel Rosalind Franklin et la photo 51, sur la… Podcast Vers un microscope optique universel « tout-en-un » ? 5 avril 2023/ Publié le 5 avril 2023 Vers un microscope optique universel « tout-en-un » ? Olivier Haeberlé, Université de Haute-Alsace (UHA); Matthieu Debailleul, Université… Article

Les universités françaises dans la tourmente budgétaire

Par Sarah Journée

Publié le 24 octobre 2023 Les universités françaises dans la tourmente budgétaire Marc Bollecker, Université de Haute-Alsace (UHA) Lors de la rentrée 2023, le président de l’Université de Strasbourg et de l’Udice (association qui regroupe 10 établissements), Michel Deneken, alertait sur les difficultés budgétaires dans pratiquement toutes les universités, qui « seront toutes en déficit d’ici un ou deux ans ». Plusieurs facteurs cumulatifs expliquent ces difficultés, qui ne sont certes pas nouvelles. Ils relèvent principalement de décisions de politiques publiques qui ont des impacts sur le budget des établissements. Or, ces difficultés risquent de s’aggraver en raison des 904 millions d’euros de coupes budgétaires annoncés début mars 2024 par le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche.   De plus en plus d’étudiants Ces dernières années, le choix d’élever le niveau de qualification de la population (pour stimuler la croissance économique et consolider l’emploi) s’est traduit par l’objectif de porter à 50 % d’une classe d’âge le taux de diplômés de l’enseignement supérieur. Les universités françaises accueillent ainsi de plus en plus d’étudiants : 1 660 000 environ pour l’année universitaire 2022-2023, soit 271 000 supplémentaires en 10 ans. Cette augmentation conséquente des effectifs a engendré de nombreux coûts additionnels pour les établissements (augmentation du nombre d’heures de cours, d’intervenants, de salles, de la consommation de chauffage, etc.). La loi relative aux libertés et responsabilités des universités (2007) a particulièrement impacté le budget des universités. Elle a consisté à poursuivre le mouvement de décentralisation engagé par l’État en transférant la gestion de la masse salariale (soit 60 à 70 % du budget jusqu’alors centralisé) aux établissements. Cette évolution vers davantage d’autonomie a conduit à une responsabilité accrue de chaque université, qui gère désormais une masse de coûts (fonctionnement, personnel, investissement) correspondant à l’ensemble de son activité.   Si une dotation annuelle de l’État (devenue « Subvention pour charge de service public », ou SCSP) équivalente aux montants transférés a accompagné cette autonomisation, elle s’est érodée au fil des années si on la rapporte au nombre d’étudiants. L’augmentation des salaires des personnels fonctionnaires, inhérente à leur ancienneté et à leur progression de carrière, n’a été que partiellement (voire pas du tout) compensée par l’État, tout comme l’augmentation du point d’indice décidée en 2022.   Le poids du parc immobilier Parmi les facteurs majeurs de tensions budgétaires, les coûts actuels et à venir de l’entretien du parc immobilier pèsent également lourdement sur la situation financière. Une étude de la Cour des comptes en 2022 sur l’immobilier universitaire révèle que 34 % des surfaces sont dans un état peu ou pas satisfaisant ; 9 % des établissements recevant du public ont reçu un avis défavorable de la commission de sécurité locale. Le coût de réhabilitation du patrimoine universitaire avoisinerait les 7 milliards d’euros (15 milliards pour France Universités, organisation qui rassemble les dirigeants des universités et des établissements d’enseignement supérieur et de recherche), dont les trois quarts seraient en rapport avec la transition énergétique. Certes, l’État ou les collectivités territoriales interviennent (notamment au travers des dispositifs comme les Contrats de plan État-Région ou les Programmes d’investissements d’avenir). Cependant, les établissements doivent prendre en charge l’entretien du patrimoine (qui présente désormais le deuxième poste de dépenses après la masse salariale) ainsi que les fluides (gaz, électricité, eau) qui alourdissent les comptes dans un contexte de forte inflation. Par ailleurs, l’internationalisation de l’enseignement supérieur et de la recherche a connu une forte accélération à partir des années 1990. Au-delà de la traditionnelle mobilité internationale des étudiants et des enseignants, encouragée notamment par le processus de Bologne en 1998, l’internationalisation des programmes de formation ainsi que la création de consortiums ou alliances internationales se sont considérablement intensifiées. Si ces alliances bénéficient de financements conséquents de la part de l’Union européenne, l’internationalisation requiert des financements élevés, de l’ordre de plusieurs centaines de millions d’euros. Le recrutement de personnels complémentaires est également devenu indispensable pour déployer le management de la qualité et le contrôle dans les universités. La loi de programme pour la recherche de 2006 a officiellement lancé le management de la qualité dans les universités par la création de l’agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (AERES, devenue le Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur, ou HCÉRES). Il s’inscrit dans un mouvement plus global de labellisation et de certifications (label Développement durable et Responsabilité sociétale ; label européen Human Resources Strategy for Researchers, etc.). Des moyens humains et des coûts additionnels ont là encore été nécessaires, tout comme pour la mise en œuvre des obligations légales prévues par la loi sur l’autonomie des universités de 2007 ou encore par le décret relatif à la gestion budgétaire et comptable publique en 2012.   New Public Management Ces tensions budgétaires récurrentes ont conduit à la multiplication de rapports et travaux de recherche : beaucoup font le constat d’une inadéquation des financements actuels compte tenu des défis que les universités publiques françaises ont à relever. Si les financements complémentaires récents prévus dans le cadre de la loi Orientation et Réussite (2018) de la loi de Programmation de la Recherche (2020) ou des pôles universitaires d’innovation (prévus dans le cadre du plan « France 2030 ») viennent soutenir les activités des universités, ils s’inscrivent dans un temps limité. Si les montants engagés par l’État depuis 2010 dans le cadre des Programmes d’investissement d’avenir sont conséquents, ils ont créé une forte différenciation entre les établissements en capacité de répondre aux appels à projet et les autres. Dans certains cas, ils sont en effet conditionnés aux regroupements entre les universités (Pôles de recherche et d’enseignement supérieur, communautés d’universités et établissements, établissement public expérimental) et à leur maintien. Plusieurs pistes sont évoquées pour transformer le financement des universités. Dans un rapport de 2019, le sénateur Philippe Adnot propose que les établissements développent leurs ressources propres pour limiter leur dépendance à l’État : une augmentation raisonnée des frais d’inscription des étudiants français et étrangers, le développement de la formation pour adultes et de l’alternance, la création de nouvelles fondations universitaires, la valorisation du patrimoine immobilier. Comme d’autres, il préconise la mise en place de contrats d’objectifs,…