Mois : mai 2023

L’État doit-il mentir pour agir ?

Par Sarah Journée

Publié le 25 mai 2023 L’État doit-il mentir pour agir ? Renaud Meltz, Centre national de la recherche scientifique (CNRS) Mentir pour protéger, mentir pour servir, mentir par omission, mentir pour « le bien commun », mentir comme moyen de gouverner : les historiens Renaud Meltz et Yvonnick Denoël publient le premier inventaire du « mensonge d’État » sous la Ve République. Convoquant les travaux d’une vingtaine d’universitaires et journalistes, ils rassemblent plusieurs grandes thématiques soulignant les arrangements avec la vérité et la transparence par différents acteurs de l’État sous la Ve République : la vie privée des présidents, l’armée, le nucléaire, le terrorisme et l’islamisme, les lâchetés administratives, la santé publique, les affaires policières et judiciaires, la finance. Le livre distingue plus spécifiquement quatre cas de figure où le mensonge se conçoit respectivement en ennemi de la sincérité (il travestit des faits), de la publicité (il cache des informations), de la connaissance (il organise l’ignorance ou empêche la science de progresser) et de la conscience collective (il organise l’oubli et fictionnalise le passé national). Extraits choisis de l’introduction. « J’assume parfaitement de mentir pour protéger mon président. » Sibeth Ndiaye a le mérite de la franchise lorsqu’elle proclame qu’elle dénoue délibérément le pacte qui régit les rapports entre les gouvernants et les citoyens dans une démocratie libérale. Ce contrat repose sur la publicité des décisions et la sincérité de ses acteurs. Il est vrai que la condamnation du mensonge demeure implicite dans la Constitution de la Ve République. Elle proclame dès son article 3 que « la souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants » ; les délibérations du Parlement qui « contrôle l’action du gouvernement » sont publiques et publiées au Journal officiel. La notion de publicité est partout, dans la Constitution ; celle de sincérité, nulle part, ou presque. À quoi bon délibérer et décider en pleine lumière si la sincérité n’est pas requise ? Seule exception : les comptes des administrations publiques qui doivent être « réguliers et sincères ». Comme si le mensonge, la dissimulation, le travestissement ne pouvaient se loger que dans les réalités chiffrées, qui seraient le seul horizon de la vérité. Comme si la sincérité était un devoir du citoyen, dans sa déclaration fiscale ou son témoignage, mais pas du gouvernement. Le mensonge sous serment constitue une infraction pénale. Le citoyen qui dépose devant les commissions parlementaires jure en levant la main droite de dire « la vérité, toute la vérité, rien que la vérité ». Un magistrat doit répondre de parjure. Mais un président, un ministre peut mentir dans l’exercice de ses fonctions sans risquer d’autre peine que celles délivrées par le tribunal médiatique. Or l’opinion est parfois tolérante au mensonge.   La raison d’État justifie-t-elle les écarts avec la vérité ? « Les Guignols de l’info », en représentant Jacques Chirac en « super-menteur » pendant la campagne de 2002, ne l’ont pas empêché d’être élu président de la République… Est-ce à dire que la notion de mensonge d’État se réduit à celle du secret, longtemps justifiée par la raison d’État ? Si le mensonge politique n’est pas l’envers parfait de la vérité (l’erreur, par exemple, ne relève pas de ce livre), les notions de sincérité, d’authenticité, d’exactitude, ne concernent pas seulement la morale privée ou la science, mais aussi la vie politique. Super menteur, les Guignols de l’info, 2002.   Suite à une décision du Conseil constitutionnel de 2005, entérinée six mois plus tard par le règlement de l’Assemblée nationale, le débat parlementaire obéit désormais au principe « de clarté et de sincérité ». Ces notions apparaissent moins souvent dans la France laïque que dans des nations plus imprégnées de religion, comme aux États-Unis, où l’injonction morale est ancrée dans la culture politique. Le mensonge sous serment de Bill Clinton sur une liaison extraconjugale a conduit le président à la lisière de l’impeachment. La question des fake news suscite une floraison de publications sur les conditions de leur régulation dans le régime médiatique actuel. La propagande en période de guerre, qui fait déroger les démocraties libérales à leur règle ordinaire, a intéressé les historiens. Mais un angle mort demeure : la vulnérabilité de notre vie sociale et politique à une large gamme de mensonges d’État qui profite du caractère trop implicite du pacte de publicité sincère au fondement de nos institutions. Faute de penser la vérité en matière politique, on s’est habitué au poison. Aucun ouvrage d’histoire ou de sciences politiques n’a récemment affronté la question du mensonge d’État afin de penser sa nature et de documenter ses effets. Ce livre veut réparer cette lacune pour la période la plus contemporaine : celle de notre Ve République.   Que peut-on et que doit-on savoir en démocratie ? Philosophes et politistes s’émeuvent non sans raison du relativisme du temps présent, qui voit fleurir l’expression « post-vérité ». La frontière entre « opinion » et « vérité de fait », pour reprendre l’expression de Hannah Arendt, distinction reprise à son compte par Myriam Revault d’Allonnes, pose question : qu’est-ce que la vérité, que peut-on savoir en dehors des sciences de la nature, en matière sociale et politique ? Quelles sont les conditions pour permettre d’approcher et de partager ce type de vérité ? Nous proposons de distinguer ce qui relève de la véracité en matière sociale de la vérité mathématique, et l’exigence de publicité de la soif de transparence. Il ne s’agit pas de fonder naïvement une science exacte de la politique comme en rêvaient les socialistes utopiques ou Auguste Comte mais de s’accorder sur un horizon de vérité dans le monde social, en admettant ses limites langagières. Ce livre n’a pas la naïveté de traquer des mensonges comme autant de fautes morales, équivalentes à des erreurs algébriques – nous ne croyons pas davantage, du reste, que les sciences exactes produisent une vérité « pure », le scientisme s’avérant comme une tentation perpétuelle du savoir scientifique d’affirmer un monopole sur la vérité. De fait, les sciences de la nature ne sont pas les mathématiques. Le philosophe et historien des sciences Thomas Kuhn a montré que les sciences n’échappent pas à l’histoire.   Une forme de relativité de la vérité Nous admettons une forme de relativité de la vérité pour…

Avis de Recherche N°1 – Comprendre le risque d’inondation : de la recherche à l’action

Par Sarah Journée

Publié le 2 mai 2023 Avis de Recherche N°1 – Comprendre le risque d’inondation : de la recherche à l’action   >>> Avis de recherche est une émission radiophonique offrant un point de vue sur la vie des laboratoires de l’UHA. En partenariat avec le Service Universitaire de l’Action Culturelle (SUAC) Avec le soutien de la Région Grand Est et de la Drac Grand Est.   Une émission réalisée par Carole Ecoffet et radio MNE, produite par le Service Universitaire de l’Action Culturelle de ‘l’Université de Haute-Alsace en collaboration avec Radio MNE, coordonnée par Isabelle LEFEVRE (chargée de l’action culturelle) et Laurent VONNA, Maître de conférences en chimie des matériaux à la FST de l’UHA (laboratoire IS2M)   Thème : Comprendre le risque d’inondation : de la recherche à l’action   Invité·es : Brice Martin du CresatMaître de conférences de géographie à l’Université de Haute-Alsace (UHA).Directeur du GIS Risques de l’UHA (depuis 2010).Membre élu du Conseil scientifique de l’UHA (depuis 2008). Nicolas HOLLEVILLE 1er adjoint au maire (Vie économique – Agriculture et Environnement – Communication) – Ville de Dannemarie Aline Veillat (ch)Artiste Chercheuse   Écoutez le podcast :  Pour plus d’information, rendez-vous sur le SoundCloud de Radio MNE : Radio MNE Brice Martin Maître de conférences en géographie (FSESJ & CRESAT) Sur le même thème Tous |Article |Non classé |Podcast |Question |Recherche participative |Vidéo De New York à Tokyo : les métropoles prennent l’eau 20 septembre 2021/ Publié le 20 septembre 2021 De New York à Tokyo : les métropoles prennent l’eau Des kayaks sur une portion… Podcast Chine : les villes faces aux catastrophes climatiques 6 août 2023/ Publié le 6 août 2023 Chine : les villes face aux catastrophes climatiques Une rue inondée à Zhuozhou, dans la… Podcast L’anthropocène, un objet frontière qui signifie plus qu’une tranche de temps géologique 28 octobre 2024/ Publié le 28 octobre 2024 L’anthropocène, un objet frontière qui signifie plus qu’une tranche de temps géologique Luc Aquilina, Université de… Article